Accueil A la une Première année à Carthage : Saïed contre vents et marées !

Première année à Carthage : Saïed contre vents et marées !

La Presse La première année d’exercice présidentiel n’aura pas été de tout repos pour Kaïs Saïed. Crise politique dès le début du mandat après l’échec d’Ennahdha à faire voter la confiance à Habib Jemli, proposé au poste de Chef de gouvernement, crise sanitaire avec une pandémie qui va plomber l’économie et enrayer tous les moteurs de croissance, attentats terroristes, rapatriement des Tunisiens coincés à l’étranger, etc.

C’est pourquoi l’exercice de cerner son profil de président après une année et de faire le bilan est difficile tant l’homme a cassé les codes et a fait bouger les lignes.

Il n’empêche qu’après une année charnière dans l’histoire de notre pays qui se trouve au bord de la banqueroute et de la dérive, on peut aisément constater que Kaïs Saïed a été un bon timonier à la barre.  Il a pleinement assumé son rôle de président de la République et n’a jamais été en retrait des lignes de feu. Il pouvait trouver refuge dans la Constitution, comme l’a fait, au moins pendant quatre années, son prédécesseur feu Béji Caïd Essebsi, pour se dérober à plusieurs responsabilités pouvant l’exposer à la confrontation de ses adversaires, mais il a préféré aller à l’attable du mal où qu’il soit et croiser le fer avec les plus virulents de ses détracteurs.

Il faut reconnaître aussi que sans un appui politique ou une formation parlementaire, certains pensaient que l’homme serait une proie facile à manipuler, à isoler. Mais ils se sont vite rendu compte de sa ténacité, sa résistance, son courage et son audace. Car Saïed, qui a choisi d’avancer en roue libre sur un chemin parsemé d’embûches, ne plaira pas à plusieurs blocs parlementaires, notamment celui d’Ennahdha, de Qalb Tounès et d’autres. Il a aussi taclé les partis politiques, les personnalités influentes, repoussé les lobbies économiques de son périmètre d’action. L’homme a démontré à plusieurs reprises qu’il n’était pas un figurant intelligent à Carthage mais un vrai président, le « seul », comme il se plaît à le rappeler à chaque occasion. Il sait s’attirer les foudres et ne craint pas l’orage. Ceux qui se sont escrimés à l’affronter ont dû en payer les frais. Car Saïed peut être aussi fervent que Nasser et aussi efficace que Sadate, aussi volontaire que Tito et aussi rusé que Bhutto, aussi épique qu’un de Gaulle et aussi réaliste qu’un Helmuth Schmidt, aussi cultivé qu’un Senghor et aussi « sorcier » qu’un Houphouët.

Tantôt il peut chanter comme un poète et tantôt sévir comme un Robespierre. Il est à la fois d’avant-hier et de demain, tribun du peuple et rêveur du désert, amant de la mer et amoureux de l’oasis, lutteur dans la tempête et prince de la solitude. Il ne ressemble à aucun des présidents qu’a connus notre pays.

C’est d’ailleurs pourquoi il caracole toujours en tête des sondages des intentions de vote malgré la machine médiatique déployée en vue de lui tordre la laine sur le dos. Certes, il perd des points car les vents ne sont pas favorables pour toute la classe politique. Car, dépités de la morosité ambiante les Tunisiens survolent d’un œil morne ce qui se passe dans le pays qui broie du noir. Mais en dépit de tout, Saïed demeure le dernier refuge, la seule lueur d’espoir, car c’est lui le Président qui a été plébiscité d’un score historique.  Et c’est encore lui qui se tient aux côtés des médias dans leur combat contre les manœuvres de basse altitude visant à mettre de nouveau au pas les médias et les journalistes. Il ne demande rien en retour, ne cherche pas à amadouer ou à séduire les journalistes les plus hostiles à son style, à son approche.

Un bilan dense malgré tout

Son bilan d’une année à Carthage est déjà dense. Sur le plan diplomatique le fait le plus marquant réside dans l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies le 1er juillet 2020, à l’unanimité, la résolution 25/32- 2020 soumise par la Tunisie et la France portant sur la lutte contre la pandémie de Covid 19.

Ceux qui ont tenté de coiffer au poteau le Président de la République, de caricaturer sa politique internationale, misant sur un homme seul, replié dans son palais, n’ayant pas de parti, s’appuyant sur gouvernement ébranlé, ont fait une incroyable série d’erreurs de jugement et d’incompréhension.

Ceux-là mêmes qui ont parié sur le conflit sino-américain pour faire capoter une initiative qui interpelle des millions de gens livrés à eux-mêmes en pleine crise sanitaire, pris dans les filets de guerres atroces, guettés par le spectre de la mort sous un regard indifférent et glacé, ont compté sans le sursaut de conscience de deux présidents français et tunisien que le destin a réunis dans un seul conseil, pour être les porte-voix des démunis, des laissés-pour-compte et des vulnérables.

Plus de quatre mois de travail rompu à contourner les obstacles et à rapprocher les points de vue, pour placer l’intérêt de l’humanité avant l’intérêt des nations. Depuis le mois de mars, les deux présidents se battaient sur tous les fronts sans le claironner sur tous les toits, pour dire que la santé est aussi une question de sécurité. Et que pour que les gens vivent, il fallait non seulement faire taire les armes, mais aussi les maux et les virus.

L’épineux dossier libyen

La position ferme du Chef de l’Etat sur le dossier libyen appelant à une solution politique pacifique sans aucune ingérence étrangère, et confirmant cette position tunisienne dans toutes les réunions, appels téléphoniques et rencontres internationales jusqu’au succès de la Tunisie à accueillir un dialogue entre frères libyens sans aucune intervention étrangère et sous les auspices d’une mission des Nations unies en Libye et qui se tiendra en novembre prochain, démontre aussi la pertinence diplomatique du Chef de l’Etat dans la résolution des conflits.

Mais aussi il faut rappeler que Kaïs Saïed n’a pas hésité à remonter les bretelles à Rached Ghannouchi lors de son discours à l’occasion de l’Aïd El Fitr pour son immixtion dans ce dossier.  Et pour cause, lors d’un entretien téléphonique, le président du Parlement tunisien, Rached Ghannouchi, a félicité, mardi 19 mai 2020, le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale libyen, Fayez Al-Sarraj, d’avoir repris la base militaire d’al-Watiya, dans l’ouest de la Libye, près de la frontière tunisienne. 

Faisant allusion à cet incident diplomatique, le Chef de l’Etat tunisien a asséné: « Que chacun se souvienne que l’État tunisien est un et indivisible, et qu’il n’y a qu’un seul et même président à l’intérieur et à l’étranger ».

Le Chef de l’Etat s’en prend dans son discours directement au mouvement et à en des termes très virulents. « L’Aïd est revenu alors que certains se sont retirés non dans les mosquées qui étaient fermées, mais pour fomenter des complots, sous l’emprise de desseins sombres et haineux », a-t-il martelé. « Certains sont nostalgiques du passé, désireux de revenir en arrière, certains se réjouissent d’atteindre leurs objectifs, ce dont ils rêvent, tandis que d’autres, malheureusement, sont en proie à l’hypocrisie, au mensonge et à la calomnie. Ceux qui sont désignés par le Tout-Puissant comme « ayant la maladie au cœur ». L’un des nombreux miracles du Coran consiste d’ailleurs à réserver le terme maladie à ceux qui sont atteints par la maladie de l’âme », a ajouté avec détermination Kaïs Saïed.

Mais il survient, aussi, que des diplomates qui n’arrivent pas à mesurer le renouveau de leur mission se sentent floués ou déçus. Et c’est peut-être le cas d’un Kaïs Kabtni ou d’un Moncef Baâti qui ont été limogés par le Chef de l’Etat.  Car on n’aborde pas, en 2020, une même question telle que la cause palestinienne avec les mêmes approches et outils diplomatiques que sous Bourguiba, sous Ben Ali ou sous feu Béji Caïd Essebsi qu’avec Kaïs Saïed ou Moncef Marzouki. Finis les temps où la politique étrangère tunisienne jouait à somme nulle. Le débat international n’est plus abstrait, il est devenu plus clair, plus concret et exige des réponses fortes et audibles, avec Saïed.

Préserver les fonds publics

Sur un autre plan, le Président de la République a souligné à plusieurs reprises sa volonté de préserver les fonds publics et de recouvrer l’argent spolié et que la loi doit être pleinement appliquée à tous de manière égale et sans aucune exception, et a souligné que l’intérêt suprême du pays est avant toute considération. Il a promis de tenir tête à tous ceux qui usurpent l’argent du peuple tunisien et de les confronter à la loi afin de mettre un terme à cette hémorragie qui sévit dans l’État tunisien depuis des décennies, et cela est revenu lors de nombreuses réunions avec des chefs de gouvernement, des ministres de la Justice, des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières. Ce sera une orientation à l’origine d’un conflit avec le nouveau Chef du gouvernement qui aurait cherché à faire appel aux services de personnalités ayant été impliquées dans des dossiers lourds en relation avec l’argent spolié sous Ben Ali.

Engagé dans la lutte contre le Covid

Cependant, la lutte contre la pandémie du coronavirus a été une occasion pour le Chef de l’Etat de démontrer sa capacité à gérer les crises sanitaires. Les mesures mises en place ont permis de contenir la pandémie dans sa première vague. Si des milliers de Tunisiens bloqués à l’étranger ont pu rentrer chez eux, c’est grâce à lui. En effet, les opérations de rapatriement, à travers des avions militaires et civils pour l’évacuation des Tunisiens, y compris des étudiants bloqués dans diverses parties du monde, se sont déroulées avec une forte implication des missions diplomatiques tunisiennes à l’étranger, de l’armée et sous la supervision du Chef de l’Etat. Aucun tunisien n’a été laissé pour compte.

Des hôpitaux de campagne militaires, des équipements médicaux, des laboratoires ambulants pour le dépistage des personnes atteintes par le virus dans les régions les plus éloignées, les plus reculées et où il n’y pas d’infrastructure sanitaire ont été parmi les mesures décidées par le Chef de l’Etat. Il a décrété le couvre-feu, fermé l’espace aérien et les frontières maritimes et terrestres pour contenir l’épidémie. 

Saïed s’est battu sur tous les fronts, alors que les partis politiques et leurs coalitions au Parlement se chamaillaient, se tiraient à boulets rouges.

Lutte contre les marchands de la mort

La question de l’émigration clandestine a été aussi l’une des actions les plus solennelles. Son déplacement dans les deux villes côtières de Sfax et Mahdia, le 2 août dernier, a donné lieu à des interpellations massives des passeurs, ces marchands de la mort qui agissaient en toute impunité.  Pour lui, il est temps de se pencher aujourd’hui sur les vraies raisons qui poussent des jeunes et des moins jeunes à partir moyennant ces embarcations de la mort. «Les raisons sont multiples. Elles sont d’abord directement liées à la répartition des richesses et des ressources dans le monde. La question qui se pose, cette répartition est-elle équitable ?», s’est interrogé Saïed. En outre, il estime qu’il ne faut pas perdre de vue que la question se pose d’abord localement.  Avons-nous réussi à résoudre les problèmes économiques et de développement des Tunisiens ? Il faut bien reconnaître que la réponse est non. Ici, en Tunisie, nous n’avons pas été à même de résoudre ces problèmes qui touchent à la vie de nos concitoyens. Outre les relations qui nous lient avec les pays du Nord donc. La question est essentiellement tuniso-tunisienne», a-t-il asséné.

Sur le plan de la sécurité, le Président de la République, Commandant suprême des forces armées, a présidé quatre réunions du Conseil suprême des armées pour assurer le suivi de la situation sécuritaire à l’intérieur de la Tunisie et aux frontières. Il a effectué des déplacements sur terrain pour visiter les installations militaires et de sécurité et insister sur une plus grande vigilance dans la défense de la patrie. Il a entouré de sa sollicitude et honoré les blessés dans les opérations terroristes et les familles des martyrs en leur décernant la médaille du sacrifice et de la loyauté.

Les grands projets structurants

Sur le plan du développement régional, le Chef de l’Etat n’est pas resté les bras croisés. Il a mis en place des premiers éléments constitutifs du projet de la Cité médicale à Kairouan. Ce projet créera environ 50 000 emplois. Il a aussi procédé au lancement du projet de la plateforme de production du centre de Sidi Bouzid (suspendu depuis 2012), qui est un projet important capable de valoriser les produits agricoles de la région, d’élever le niveau de développement et d’offrir d’importantes opportunités d’emploi dans la région. Il a aussi annoncé la création de trois complexes sociaux dans le cadre de la coopération internationale sous forme de subvention. Le coût du projet est d’environ 22 millions de dinars au profit de Sfax, Kasserine et du Nord-Ouest. La période de réalisation varie entre 02 et 5 ans. Mais le président rêve aussi d’un TGV qui reliera le nord et le sud du pays.

Garantir le droit au travail, la liberté et la dignité nationale

Le Chef de l’Etat pense aussi à changer le quotidien des citoyens en butte aux difficultés et livrés à eux-mêmes en introduisant des projets inclusifs et équitables. C’est dans ce cadre qu’il ordonné au Génie militaire de construire un pont adjacent à l’école où étudiait l’élève Maha Gadhkadhi, emporté l’année dernière par les eaux furieuse de l’oued qu’elle devait traverser pour aller à l’école, ou encore l’ordre de creuser un puits profond à Sidi Bouzid, au coût de 1,5 million de dinars, à l’occasion du premier anniversaire de l’accident des travailleurs de Sabala. Il a toujours suivi de nombreux dossiers sociaux liés à la fourniture des nécessités de la vie et d’une vie décente, y compris le logement et l’aide financière et en nature et contribué à la distribution de colis alimentaires à un certain nombre de familles nécessiteuses pendant la période du Covid.

Les pièges de la formation du gouvernement

Il n’empêche que le Chef de l’Etat a commis des erreurs, dont il endosse pleinement la responsabilité. On le tient pour responsable des choix des deux Chefs de gouvernement en l’espace de quelques mois et qui sont à l’origine des crises politiques en Tunisie. En effet, le processus de formation du gouvernement a pris beaucoup de temps, à partir du 15 novembre, de la formation du gouvernement  Habib Jemli, puis du gouvernement Elyes Fakhfakh jusqu’au gouvernement  Hichem Mechichi. La longueur de ces consultations a retardé l’examen de nombreux autres dossiers prioritaires afin d’accélérer la réponse aux attentes du peuple tunisien. Il s’est fait piéger par ses détracteurs à deux reprises. La première fois en poussant Elyes FaKhfakh, épinglé dans un dossier de soupçon de conflit d’intérêts, à démissionner. Et la deuxième fois en faisant tomber Mechichi dans l’escarcelle du front Ennahdha-Qalb Tounès et Al Karama.  Ce qui fait qu’un froid pèse sur les relations entre La Kasbah et Carthage. Cette crise ne fait que corser l’atmosphère d’un film d’épouvante pour les Tunisiens qui craignent de voir le dernier édifice s’écrouler comme un château de cartes. Bref, tous les ingrédients d’un cocktail détonant sont réunis pour la période à venir. Elle augure troubles et tensions. Une agitation guerrière se profile déjà à l’horizon. Seule certitude : le Chef de l’Etat survole d’un œil morne ce qui se passe au Parlement et ce qui se trame à l’ombre. Et à tout moment, il peut rebattre les cartes pour mettre le pays sur orbite. C’est ce qu’espèrent les Tunisiens.

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Un commentaire

  1. David Kacem

    23 octobre 2020 à 14:53

    Une information intéressante. Mais comment l’expliquer aux pauvres citoyens (illitrés) qui ne croient pas au changement tant qu’il n’ait pas de resultat immédiat ?

    Répondre

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